dimanche 19 octobre 2014

Louisa May Alcott, la mère des filles du docteur March 1832-1888


J'ai lu Louisa May Alcott, la mère des filles du docteur March avec beaucoup d'intérêt ! Quel plaisir de retourner à Boston et Concord sur les traces de cette famille si chère à mon cœur !

Suivre les Alcott sous la plume aimante de Vivianne Perret est à la fois très plaisant et instructif. L'auteur retrace les grandes lignes de vie de la famille Alcott tout en mettant l'accent sur des anecdotes puisées dans les journaux et lettres de la famille, instants habilement contés et commentés.

"Fuguer était l'un de mes plaisirs d'enfance" confirma plus tard l'auteur du célèbre roman de littérature jeunesse "Little Women" en rapportant qu'elle partagea plus d'une fois des croûtons de pain avec de petits mendiants croisés lors de ses pérégrinations. S'aventurer ainsi comportait de multiples risques, comme celui de se perdre. Le crieur public découvrit un soir, Louisa, endormie dans Bedford Street, devant un pas-de-porte, blottie contre un chien. Les joues mouillées de larmes à force de tourner en rond sans trouver son chemin, le petit Poucet avait trouvé consolation auprès d'un énorme terre-neuve. Épuisée, elle avait fini par s'assoupir contre lui. Le crieur public eut, semble-t-il, toutes les peines du monde à faire accepter à l'animal de se séparer de sa nouvelle amie. Louisa, reconnaissante, en garda toute sa vie une affection pour la race canine. (p.12-13) 

J'ai particulièrement apprécié le travail de contextualisation fourni par l'auteur. Les informations sur la guerre de Sécession, les mœurs de l'époque, les courants de pensée, sont très enrichissantes et permettent aux lecteurs de mieux cerner la société américaine du XIXe siècle et ses nombreux bouleversements.

L'ère victorienne avait entraîné un changement d'attitude dans la conception de l'enfance. La société (et plus particulièrement la classe moyenne) intégrait la notion que le monde des enfants, innocent et désintéressé, était différent du monde des adultes et devait être protégé. Par contrecoup, l'idée qu'on se faisait de la littérature jeunesse évoluait. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les livres pour enfants étaient religieux dans le sens où la connotation morale primait l'histoire racontée. Les livres provenaient d'Angleterre, pour des raisons linguistiques et historiques évidentes. Le premier ouvrage pour enfants publié sur le territoire américain fut "Spiritual Milk for Boston Babes in Either England", du pasteur puritain John Cotton ; il avait pour objectif d'enseigner la Bible. Mais la plupart du temps, les livres n'étaient pas spécifiquement destinés aux enfants, comme en témoigne le fameux "Pilgrim's Progress" de Bunyan qui servait à l'édification des adultes comme des plus jeunes. Le deuxième facteur important qui participa à l'évolution de la littérature jeunesse fut technologique, entraînant une réorganisation du travail. Avant la généralisation des grandes presses mécaniques, une invention dont avait bénéficé l'impression de "La lettre écarlate" de Nathaniel Hawthorne, les maisons d'édition étaient essentiellement locales ou régionales avec une diffusion géographiquement limitée. A présent, le travail était rationalisé dans des centres d'impression et le matériel acheminé par le chemin de fer généralisé sur tout le territoire. (p.155-156) 

L'auteur attire également notre attention sur des personnalités telles que Ralph Waldo Emerson, Henry David Thoreau, Charles Lane et présente les relations atypiques qu'elles entretenaient avec la famille Alcott.

Chacune des observations de Thoreau était un coup de baguette magique qui transformait la nature en un monde féerique : la toile d'araignée devenait le mouchoir qu'avait égaré une fée, les solidagos se dressaient en une haie d'honneur jaune d'or pointant la direction d'une aventure à suivre, l'écureuil cherchait la clé de sa maison dans les pins. Derrière chaque fleur se cachait une fée, chaque arbre avait une histoire à raconter. Thoreau évoquait également les peuplades indiennes qui avaient vécu dans la région avant les colons. Il grattait la terre et brusquement surgissait un bout de flèche ou une pierre calcinée par le feu, révélant aux enfants fascinés un objet qui rappelait le passage de ces tribus. Le père de Louisa, très lié avec Thoreau "obstinément indépendant et viril" selon ses dires, cerna avec justesse le rapport qu'il entretenait avec la nature, déclarant qu'il n'avait "jamais connu d'homme qui soit à ce point de la campagne et un fils aussi pur de la Nature". (p.67) 

Enfin, dans les dernières pages de la biographie, l'auteur nous invite à continuer le voyage avec une sélection d'ouvrages. Naturellement, les récents travaux d'Eve LaPlante y figurent ainsi que les biographies de Madeleine B. Stern et de Harriet Reisen, pour ne citer qu'elles.

Merci donc à Vivianne Perret de faire venir les Alcott jusqu'à nous et de leur donner vie... en français !

(Louisa May Alcott, la mère des filles du docteur March 1832-1888, Vivianne Perret, La librairie Vuibert, septembre 2014)

1 commentaire:

  1. Je suis saisie par le beauté du texte de Thoreau. Est-ce que tu peux voir dans la bibliographie de quel livre sont tirés ces texte... «la toile d'araignée qui devient le mouchoir d'une fée» Je n'ai jamais rien entendu d'aussi beau!
    Je devrai attendre cette biographie.

    À propos de Thoreau, il y a beaucoup de ses livres traduits en français. Il est souvent cité par d'autres écrivains, mais c'est de savoir où se trouve ces si jolies pensées. Je n'ai pas rencontré cette poésie dans ce que j'ai lu de lui. J'adore ton billet! :)

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